26/09/2018

Mes dernières lectures #12

Mes dernières lectures

C'est avec un plaisir immense que je vous présente ces trois lectures coups de coeur.
Emouvantes, intelligentes et dépaysantes, trois oeuvres à découvrir absolument!


♦♦♦


Petit Pays de Gaël Faye


Résumé

En 1992, Gabriel, dix ans, vit au Burundi avec son père français, entrepreneur, sa mère rwandaise et sa petite sœur, Ana, dans un confortable quartier d’expatriés. Gabriel passe le plus clair de son temps avec ses copains, une joyeuse bande occupée à faire les quatre cents coups. Un quotidien paisible, une enfance douce qui vont se disloquer en même temps que ce « petit pays » d’Afrique brutalement malmené par l’Histoire. Gabriel  voit avec inquiétude ses parents se séparer, puis la guerre civile se profiler, suivie du drame rwandais. Le quartier est bouleversé. Par vagues successives, la violence l’envahit, l’imprègne, et tout bascule. Gabriel se croyait un enfant, il va se découvrir métis, Tutsi, Français…

« J’ai écrit ce roman pour faire surgir un monde oublié, pour dire nos instants joyeux, discrets comme des filles de bonnes familles: le parfum de citronnelle dans les rues, les promenades le soir le long des bougainvilliers, les siestes l’après-midi derrière les moustiquaires trouées, les conversations futiles, assis sur un casier de bières, les termites les jours d’orages... J’ai écrit ce roman pour crier à l’univers que nous avons existé, avec nos vies simples, notre train-train, notre ennui, que nous avions des bonheurs qui ne cherchaient qu’à le rester avant d'être expédiés aux quatre coins du monde et de devenir une bande d’exilés, de réfugiés, d’immigrés, de migrants. »

Avec un rare sens du romanesque, Gaël Faye évoque les tourments et les interrogations d’un enfant pris dans une Histoire qui le fait grandir plus vite que prévu. Nourri d’un drame que l’auteur connaît bien, un premier roman d’une ampleur exceptionnelle, parcouru d’ombres et de lumière, de tragique et d’humour, de personnages qui tentent de survivre à la tragédie.


Mon avis

Un court roman poignant. Gaël Faye est un poète, avec une écriture simple mais rythmée, il nous entraîne en Afrique et nous fait redécouvrir une période particulièrement sombre de l'histoire du Burundi.

L'évocation des souvenirs de son enfance, la naïveté et la candeur de sa jeunesse, crée un contraste d'autant plus brutal avec l'atrocité de la guerre civile.

Les descriptions nous font découvrir un pays exotique et pittoresque, avec ses coutumes, sa faune et sa flore, ses habitants. Un vrai dépaysement.
Puis la politique et ses intrigues entrent en scène, on en apprend davantage sur les rivalités et les rancoeurs qui gangrènent le pays et cette région d'Afrique (Hutus contre Tutsis).
La terreur s'installe progressivement avec les élections de 1993 qui ont lieu dans un climat tendu. Un coup d'état militaire finit par mettre le feu aux poudres, le chaos et les massacres débutent.
Un déferlement de violence s'abat sur le pays et l'auteur n'épargne pas le lecteur, les scènes de guerre sont d'une grande brutalité.

L'enfance est sacrifiée, saccagée par les images de meurtres et de cadavres.

Ma note 4,5/5



La mémoire de l'eau de Ying Chen


Résumé

En 1912, alors que le dernier empereur chinois était chassé du trône, grand-mère Lie-Fei avait cinq ans. Elle venait de subir l'opération destinée à rapetisser ses pieds, afin de les rendre "beaux comme des fleurs de lotus". Mais grâce au changement de régime, ou à cause de lui, l'opération fut vite interrompue, et c'est avec des pieds "moyens" - garants d'une position médiane dans le conflit entre la tradition et la modernité - qu'elle traversa sans trop de heurts le régime communiste...

Ce destin singulier, la narratrice, "la petite", le retrace avec un humour à froid et une tendresse jamais démenties tout au long d'une histoire qui traverse le xxe siècle, celle de grand-mère Lie-Fei bercée par les odeurs et les couleurs des eaux d'une Chine en profonde mutation.


Mon avis

Ce court récit est une fresque de la Chine du XXe siècle. A travers l'histoire de la grand-tante de la narratrice, nous découvrons l'évolution de la société chinoise liée en grande partie aux changements politiques du pays.

La condition de la femme est au centre de ce roman puisqu'on y aborde le sujet des pieds bandés (tradition archaïque qui consistait à bander les pieds des jeunes femmes pour stopper leur croissance et qu'elles conservent ainsi d'adorables petits pieds avec lesquels il était compliqué de marcher!).
Y est également présenté la position inférieure de la femme dans la hiérarchie sociale, la tradition des mariages arrangés,... la liste est longue et révoltante.
Avec l'arrivée du communisme, les traditions sont soudainement devenues indésirables et synonymes d'archaïsme. Parmi les bénéficiaires de cette évolution, les femmes, qui obtiennent le droit de travailler et n'ont plus à subir la torture des pieds bandés, devenus pratiques obsolètes.

Le roman suit le destin d'une femme puis d'une famille disloquée.
Les chapitres courts sont comme des évocations de souvenirs, qui suivent un ordre chronologique mais ne sont pas forcément rapprochés (cf. Récits de notre quartier de Naghib Mahfouz).
Ce procédé narratif marié à l'écriture agréable, légère et poétique de l'autrice, rend la lecture addictive.

Une oeuvre captivante, une fresque historique et intime, une plongée dans la société chinoise, qui propose un parallèle intéressant entre arrivée du communisme et libération de la femme.

Ma note 4/5



En même temps, toute la terre et tout le ciel de Ruth Oseki


Résumé


Entre réalité et imaginaire, une rencontre littéraire bouleversante entre deux femmes en quête d'identité. Puisant dans la tradition des " I-Novels " japonais, un roman à tiroirs empreint de questionnements métaphysiques, mais aussi humanistes et écologiques, auquel se mêle une troublante réflexion sur le temps, le langage, la méditation et l'Histoire. Dans la lignée de Murakami, un bijou littéraire original, à la fois profond et plein d'humour, intime et universel.
Dans la lignée de Murakami, un bijou littéraire original, inspiré des " I-Novels " japonais, porté par une construction virtuose. Entre imaginaire et réalité, une œuvre à la fois profonde et pleine d'humour, intime et universelle, assortie d'une formidable réflexion sur le temps et l'Histoire.
Le sac en plastique avait échoué sur le sable de la baie Desolation, un de ces débris emportés par le tsunami. À l'intérieur, une vieille montre, des lettres jaunies et le journal d'une lycéenne, Nao. Une trouvaille pleine de secrets que Ruth tente de pénétrer avant de réaliser que les mots de la jeune fille lui sont destinés...
Depuis un bar à hôtesses de Tokyo, Nao raconte des histoires : la sienne, ado déracinée, martyrisée par ses camarades ; celle de sa fascinante aïeule, nonne zen de cent quatre ans ; de son grand-oncle kamikaze, passionné de poésie ; de son père qui cherche sur le Net la recette du suicide parfait. Des instants de vie qu'elle veut confier avant de disparaître.
Alors qu'elle redoute de lire la fin du journal, Ruth s'interroge : et si elle, romancière en mal d'inspiration, avait le pouvoir de réécrire le destin de Nao ? Serait-il possible alors d'unir le passé et le présent ? La terre et le ciel ?
Mon avis

Ce roman me faisait de l'oeil quasiment depuis sa sortie et j'ai eu la bonne surprise de pouvoir l'emprunter cet été à la maman de mon chéri.

Nous suivons dans ce roman Nao, une lycéenne japonaise harcelée au collège, et Ruth, écrivaine vivant sur une île isolée au Canada.
Ruth trouve sur une plage de l'île le journal de Nao, conservé dans des pochettes plastifiées.
S'en suit une belle et grande histoire, où Ruth découvre peu à peu, au fil des pages du journal, la vie de Nao.
A travers ce récit intime, nous plongeons au Japon, découvrons la vie nippone: le travail, la famille, la religion,...
La vie de Nao n'est pas facile, elle est victime de harcèlement scolaire et son père est suicidaire.
J'ai été très touchée par son destin et sa force de vie.
En face, nous découvrons aussi la vie de Ruth, écrivaine en manque d'inspiration, isolée sur son île.
Les chapitres consacrés à Ruth m'ont moins passionnés mais l'écriture de l'autrice est si agréable que le roman reste un vrai page turner.

Les personnages sont attachants et charismatiques.
J'ai particulièrement aimé le personnage de l'arrière grand-mère, nonne zen, anarchiste et féministe, du nom de Jiko.
Sa relation à la vie et au monde est très inspirante (l'autrice elle-même a été ordonnée prêtre bouddhiste zen en 2010).

Ce roman est incroyable par sa richesse, il aborde en effet beaucoup de sujets sensibles et universels comme le temps, la philosophie, le suicide, la solitude, la responsabilité.
Ruth Ozeki évoque aussi des événements historiques pour servir ses réflexions et son intrigue: la seconde guerre mondiale, Fukushima, les guerres en Irak et en Afghanistan, le 11 septembre, la bulle informatique des années 2000.
Elle nous relate aussi l'histoire tragique de l'oncle de Nao, Haruki I, professeur de philosophie, enrôlé de force pendant la seconde guerre mondiale pour devenir kamikaze. Un destin tragique qui marquera profondément Nao et son père, ainsi que le lecteur.

Enfin, le mystique se fait de plus en plus ressentir au fil des pages, l'intrigue devient de plus en plus mystérieuse et complexe (un poil trop par moment).
Il est alors question de physique quantique et de mondes parallèles, sujets passionnants mais assez ardus à appréhender.

Un roman fleuve d'une belle profondeur, qui vous fera voyager, penser, mûrir.

Ma note 3,5/5

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