21/01/2018

Mes dernières lectures #2

Mes dernières lectures

Je vais encore vous parler littérature aujourd'hui, sorry not sorry.
Les trois livres que je vous présente dans cet article ont été de très bonnes lectures.
Au programme: un roman historique sur la conquête spatiale et la chute de l'URSS, un classique de la science-fiction et un roman finlandais complètement fou, je vous embarque?

Léna de Virginie Deloffre

Résumé: Léna est née dans le Grand Nord Sibérien, dans une tribu nomade, celle des nénètses.
Elle perd ses parents de façon tragique pendant l'enfance. Elle sera alors confiée à Varia, une parente, qui s'occupera d'elle comme de sa propre fille avec son ami Dimitri.
Léna sera choyée, aimée, pourtant, c'est une enfant à part, immobile, comme éteinte. Ou plutôt en perpétuelle contemplation.
Sa rencontre avec Vassia, pilote dans l'aviation soviétique, la ranimera quelques temps, mais ses absences la feront de nouveau sombrer dans une totale léthargie.
Elle est distante au monde qui l'entoure, se love dans l'immuabilité de son existence.
Elle travaille au combinat, vit en appartement communautaire et écrit très souvent de longues lettres à ses parents d'adoption.
Mais sa quiétude va disparaître avec la candidature de son époux à une mission spatiale.
Vassia rêve d'entretenir le mythe de la grande patrie, en partant, comme tant d'autres avant lui, dans l'espace.

Mon avis: J'ai beaucoup aimé ce roman. L'écriture de Virginie Deloffre est magnifique, pleine de poésie.
Le rythme est bien mené, la succession de passages épistolaires permet aux lecteurs de se confronter à différents points de vue de personnages.
Ces derniers sont très attachants et charismatiques.
Il y a tout d'abord Léna, une jeune fille que j'ai pensé autiste à bien des moments dans sa façon étrange et lointaine de concevoir le monde et son existence. J'ai été fascinée par ce personnage.
Ensuite, il y a Vassia, pilote de l'aviation soviétique, qui ne rêve que de gloire pour son pays.
Un homme bon, généreux et passionné par l'espace.
Enfin, parmi les autres personnages importants, nous trouvons Varia et ses rêves socialistes déçus.
C'est un personnage que j'ai vraiment beaucoup aimé, une femme de caractère avec des convictions politiques fortes.
L'autrice nous conte deux histoires, avec réalisme et poésie à la fois, tout d'abord celle de Léna, orpheline mélancolique, et celle, en toile de fond, d'un immense territoire, l'Union soviétique, de la conquête spatiale à l'effondrement de l'URSS.
A travers ce récit, Virgine Deloffre nous fait découvrir un pays incroyable, aux ambitions démesurées.
La conquête spatiale était un enjeu primordial pour l'URSS et j'ai beaucoup aimé en apprendre plus sur cette véritable course au progrès.
J'ai été passionnée par l'Histoire contée, par le récit de cette fameuse conquête, la plus impressionnante de l'histoire.
Une très bonne lecture, où l'intimité d'une femme rencontre celle d'un monde qui s'éteint.

Prix des libraires 2012

Ma note: 4/5

"Le bonheur est-il comme la pâte dont on fait le pain, qui se lève, puis bientôt se rassit?"

"Je suis à ma place au coeur d'eux, dans notre interminable patience. Je m'y sens bien. Dans la queue, il y a les conversations des grands-mères autour de moi, je les entends bruire.
Il y en a d'aiguës et il y en a de graves, je m'enveloppe dans leurs paroles comme dans un long châle sonore qui s'étire le long du trottoir."

"Peut-être qu'elle serait méchante si elle n'était pas si ample. Mais de s'être arrondie lui a poli aussi le caractère, et quand je la vois rouler jusque chez nous son filet au bras, elle est comme un signe qu'il est revenu, une hirondelle, si l'on peut appeler hirondelle un vieux pot à lait mal fermé."

"Et dans cette étendue vide et sans limites qu'est son éloignement, nous sommes ensemble.
Ce sont les images qui nous séparent. Je crains les informations, les détails surtout, ce sont des couteaux tranchants qu'il ne faut pas approcher.
Il suffit d'une phrase, qu'on me dise: "L'escadrille décollera de l'aérodrome militaire de X à 13h40", et je ne peux plus contourner la réalité, des ailes de métal, des cadrans qui clignotent, un magma confus de visions qui m'apeurent."

"D'après lui, j'aurais érigé l'imbécillité sélective en principe de vie, quasi en système philosophique.
 Il dit aussi que l'ignorance est ma pelisse, que je m'y enroule bien au chaud puis hiberne pendant toute son absence, en complète sérénité.
Et que je suis à la merci de la moindre mite... J'aime quand il se moque de moi, cela me fait du bien comme un bon sirop. Il dit vrai, l'ignorance est mon assise, c'est le sol sur lequel j'avance.
Un sol bien ferme, durci par le gel de l'attente, qui offre au marcheur sa surface sûre et fidèle.
Mais l'ignorance, il la faut hermétique.
Les descriptions, les connaissances, ce sont des menaces qui guettent chacun de mes pas, comme ces crevasses dissimulées sous des ponts de neige cachant des gouffres, des cavernes béantes, la chute peut-être."

"Ah ces quelques mois de bonheur, il faut les serrer bien fort en sa mémoire comme un avare les cordons de sa bourse, des fois qu'on en aurait pas d'autres."

"C'est pas un nom pour mourir ça, Königsberg.
Ca vous racle la gorge, on dirait un crachat puis un rot s'ensuivant. Je suis bien reconnaissante à Staline qu'il a rebaptisé ça Kaliningrad par la suite. Maintenant c'est à Kaliningrad qu'il est mort mon Victor, ça sonne quand même plus joli, non?
Kaliningrad... on dirait des clochettes d'enfant qui résonnent dans la forêt."

"Petit à petit, sous le souffle tiède, s'efface le paysage livide et figé. Voici poindre les couleurs, l'ocre foncé, le rouge sombre de la pierre, le jaune scintillant des lichens.
Voici qu'adviennent les sons, les gargouillements, les glouglous joyeux, une cohue de gouttes en marche victorieuse et tintinnabulante.
C'est le salut de la nature au soleil qui la ploie, son chant à elle, une symphonie d'épanchements.
Les collines fondent, la neige alanguie se répand en filets, se creuse en rigoles, se déverse en cascades bondissantes. Le pays tout entier s'écoule.
Il parle. Sa voix monte et descend, sa main se pose sur mon épaule puis s'envole emportée dans une autre phrase. La terre engorgée s'amollit, frémit sous l'accueil de l'eau, s'offre à la caresse de chaleur qui l'anime. En moi, ruisselle le retour de Vassia."

"C'est la fameuse Laideur Soviétique, inimitable, minutieusement programmée par le plan, torchonnée cahin-caha dans l'ivrognerie générale, d'une tristesse inusable. 
Un mélange d'indifférence obstinée, de carrelages mal lavés, de façades monotones aux couleurs uniques - gris-bleu, gris-vert, gris-jaune - témoins d'un probable oukase secret ordonnant le grisaillement égalitaire de toutes les résines destinées à la construction du socialisme avancé."

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La nuit des temps de René Barjavel 

Résumé: Lors d'une expédition scientifique en Antarctique, une équipe de chercheurs internationaux captent un signal provenant de plusieurs centaines de mètres sous la glace.
Ils approfondissent leur recherche et découvrent un "oeuf" en or contenant les vestiges d'une civilisation disparue il y a 900 000 ans.
A la grande surprise des scientifiques, deux individus de sexe opposé sont également présents dans l'oeuf où ils ont survécu grâce à l'hibernation.
Les scientifiques vont tenter de les réanimer et de communiquer avec eux.
Le monde entier est à l'affût de ce qui pourrait être la plus grande découverte de tous les temps, une révolution dans l'histoire de l'humanité.
Rapidement, les grandes puissances cherchent à tirer l'exclusivité du savoir recueilli par les chercheurs, nous sommes alors en pleine guerre froide.

Mon avis: C'est la troisième fois que je dévore ce roman de science-fiction et je le redécouvre chaque fois avec beaucoup de plaisir.
La nuit des temps était à l'origine un scénario destiné au réalisateur André Cayatte mais suite à l'annulation du projet, l'oeuvre fut publiée sous forme de roman en 1968.
L'intrigue est originale et captivante, la plume agréable bien qu'assez spéciale, faisant place à de nombreuses scènes de violence ou à des descriptions assez sexistes. L'humour de l'auteur est particulier, souvent grotesque.
Malgré ces quelques travers, René Barjavel crée un univers très riche, passionnant.
On peut scinder le roman en deux parties, deux mondes.
Tout d'abord, le présent et l'expédition scientifique en Antarctique que nous suivons presque à la façon d'un reportage. L'auteur y aborde avec ironie les sujets du progrès scientifique et de la guerre froide. La communauté scientifique internationale doit faire avec la diplomatie et les relations tendues entre les deux blocs. C'est à la fois intéressant et cocasse de suivre toutes ces querelles qui apparaissent si superficielles face à l'avenir de l'humanité.
Puis, quand les chercheurs parviennent à réveiller Elea et à la comprendre, celle-ci raconte son histoire, une épopée vieille de 900 000 ans, celle d'une civilisation disparue, supérieure à la nôtre à bien des niveaux. Elle narre aussi son incroyable et merveilleuse idylle avec Païkan et leur terrible séparation.
René Barjavel parvient à retranscrire avec brio la fusion et la phénoménale complicité de ces deux êtres.
Cette romance a des accents de tragédie grecque, surtout dans son dénouement. Elle m'a bouleversé.
Les deux "mondes" sont très différents bien qu'ils aient pour point commun la rivalité des hommes face au pouvoir.
Le parallèle fait par l'auteur sonne comme un avertissement.
L'intelligence et le progrès scientifique peuvent conduire à la destruction la plus avancée des sociétés humaines (comme le prouvent la création des armes chimiques ou de la bombe nucléaire).
Un classique de la SF qui mêle science, mythologie et politique avec une pointe d'humour sarcastique.

Prix des libraires 1969
Ma note: 3,5/5


"Je suis entré, et je t'ai vu.
Et j'ai été saisi aussitôt par l'envie furieuse, mortelle, de chasser, de détruire tous ceux qui, là, derrière moi, derrière la porte, dans la Sphère, sur la glace, devant leurs écrans du monde entier, attendaient de savoir et de voir. Et qui allaient TE voir, comme je te voyais.
Et pourtant, je voulais aussi qu'ils te voient. Je voulais que le monde entier sût combien tu étais, merveilleusement, incroyablement, inimaginablement belle.
Te montrer à l'univers, le temps d'un éclair, puis m'enfermer avec toi, seul, et te regarder pendant l'éternité."

"En psychothérapie on préfère le choc qui nettoie au mensonge qui empoisonne."

"Tout le monde n'est pas capable d'être heureux. Il y a des couples, qui, simplement, ne sont pas malheureux. Il y a ceux qui sont heureux et ceux qui sont très heureux. 
Et il y en a quelques-uns dont la Désignation a été une réussite absolue, et dont l'union semble avoir commencé au commencement du monde. Pour ceux-là, le mot bonheur ne suffit pas..."

"Ils ne pensaient plus à leurs épreuves, aux menaces, à la guerre. Ils volaient vers un havre de paix. 
Peut-être momentané, précaire, illusoire, et où de multiples problèmes se poseraient en tout cas pour eux. Mais ces soucis étaient pour demain, pour tout à l'heure. Vivre les malheurs d'avance, c'est les subir deux fois. Le moment présent était un moment de joie, il ne fallait pas l'empoisonner."

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Lumikko de Pasi Ilmari Jääskeläinen

Résumé: Dans la petite ville finlandaise de Jäniksenselkä, une mystérieuse société littéraire accueille son dixième membre, Ella Amanda Milana, professeur vacataire de finnois et littérature.
Cette société a été créée par la célèbre Laura Lumikko, auteure de romans fantastiques pour la jeunesse.
Lors de la soirée d'intronisation d'Ella, la mythique écrivaine disparaît de façon spectaculaire.
S'en suit une multitude de phénomènes étranges, des apparitions, des rêves, des hallucinations collectives.
Ella apprend les us et coutumes de la société, prend part au "Jeu", procédé qui permet à chaque écrivain du groupe de surprendre un de ses partenaires entre 22h et 2h du matin et de lui soutirer toutes sortes d'informations, de souvenirs, par tous les moyens, y compris la violence.
Tout cela pour s'inspirer mutuellement des expériences de chacun pour en faire la substance, la matière première de leurs romans.
Ella apprend l'existence d'un dixième membre disparu et va chercher à obtenir des réponses sur son identité et les causes de sa mort.

Mon avis: Quelle surprise que ce roman hors norme ! Il ne pourra laisser personne indifférent.
L'univers créé par l'auteur est loufoque au possible, l'originalité de l'intrigue et la singularité de l'écriture est un vrai bonheur pour le lecteur (en tout cas ça l'a été pour moi).
Vous trouverez dans ce roman des personnages délirants, du surréalisme, de la mythologie.
Certains actes et propos sont très violents et peuvent choquer. Pour ma part, je leur ai trouvé du sens.
L'auteur met en avant une sorte de confrérie mystique, presque sectaire.
Tout est pardonnable si réalisé pour créer, écrire.
J'ai adoré la façon dont Pasi Ilmari Jääskeläinen traite du sujet de l'écriture romanesque, les passages parlant de la création et de l'inspiration littéraire m'ont enchanté. Ce livre est une ode à la littérature, un mode d'emploi pour l'écrivain.
Dans la seconde partie du roman, quand Ella cherche à retrouver la trace du dixième membre disparu, elle mène des recherches, une véritable enquête, qui tire l'oeuvre vers le thriller et instaure un climat angoissant.
Cette oeuvre est donc inclassable, à la fois conte gothique, roman fantastique et thriller.
J'ai beaucoup aimé découvrir un peu plus la culture finlandaise et ses mythes. Le roman nous transporte au pays des aurores boréales, où le mysticisme et les superstitions sont légions.
Nains de jardin, gnomes, revenants, sont quelques-unes des créatures fantastiques dont vous ferez la connaissance.
Last but not least, la fin conserve un certain mystère mais apporte une réponse inattendue sur le fameux dixième membre recherché par Ella.
Cette fin m'a donné le sourire, m'a ému, je l'ai trouvé intelligente.
Une oeuvre pittoresque et très originale, qui nous donne envie de laisser davantage de place à l'imagination et de découvrir d'autres auteurs finlandais!

Ma note: 4/5

"Elle détourna son regard de la dissertation comme si elle avait vu un insecte ramper dessus et regarda la classe, mais la classe ne lui rendit pas son regard. 
Les élèves écrivaient et regardaient leurs copies, les stylos grattaient comme des rongeurs s'adonnant à une activité occulte."

"S'enticher de la réalité momentanée d'un être était aussi insensé que de s'enticher de la moitié gauche de quelqu'un, de son occiput ou d'un autre détail.
C'est la raison pour laquelle Ella ne pouvait pas vraiment reprocher à son ancien fiancé de ne plus avoir réussi à l'aimer après que son avenir sans enfant eut été révélé."

"Le bonheur est satisfaction - un sentiment où l'homme se contente de l'état prévalent des choses. L'homme a cependant un besoin, propre à son espèce, de viser plus loin, de vouloir davantage, d'influer sur les choses, bref, de se développer constamment.
L'être heureux cesse de se développer, car le bonheur est satisfaction et que le développement se fonde sur l'insatisfaction.
Le bonheur est donc une anomalie temporaire dans l'évolution.
Ella comprenait qu'elle ne pouvait se contenter de quoi que ce fût. Son avenir grinçait et branlait tel un pont vermoulu."

"Mais si on veut trouver des gens à mettre dans des livres, ce n'est pas ça qui manque, tu as sûrement remarqué. Aujourd'hui, j'ai trouvé des fragments de la mère d'un tueur en série, la moitié de la bien-aimée de mon personnage principal et trois bons morceaux de personnages secondaires."

"Elle disait qu'un écrivain doit savoir penser tout ce qui est pensable, même quand tout le monde s'attache à penser ce qui est probable ou possible."

***

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