22/10/2017

Le Parfum - Patrick Süskind

Le Parfum de Patrick Süskind

"Un conte, philosophique sans trop en avoir l'air, qui exhale un fort parfum de talent et d'originalité."


Aujourd'hui, c'est avec une joie immense que je vous partage mes impressions sur une de mes meilleures lectures de ces dernières années, le roman culte Le Parfum de Patrick Süskind.

Biographie de l'auteur

Patrick Süskind est un auteur et scénariste allemand. Il fit des études de littérature et d'histoire (médiévale et contemporaine) à Munich et Aix-en-Provence.
En 1984, il publie sa première pièce de théâtre, La Contrebasse, qui rencontre un grand succès notamment grâce à l'écriture de son auteur et à son originalité.
L'année d'après, c'est la publication du premier roman de Patrick Süskind, Le Parfum, qui rencontre un succès incroyable dans le monde entier.

Contexte

Lieu: Paris, le plateau d'Auvergne, Montpellier puis Grasse
Epoque: milieu du XVIIIe siècle
Thèmes: Odeurs, Parfumerie, Folie, Passion, Obsession, Isolement, Histoire

Résumé

Au XVIIIe siècle vécut en France un des personnages les plus géniaux et les plus horribles de son époque. Il s'appelait Jean-Baptiste Grenouille. Sa naissance, son enfance, furent épouvantables et tout autre que lui n'aurait pas survécu. Mais Grenouille n'avait besoin que d'un minimum de nourriture et de vêtements, et son âme n'avait besoin de rien.
Or ce monstre de Grenouille, car il s'agissait bien d'un genre de monstre, avait un don, ou plutôt un nez unique au monde et il entendait bien devenir, même par les moyens les plus atroces, le Dieu tout puissant de l'univers, car, "qui maîtrisait les odeurs, maîtrisait le coeur des hommes."
C'est son histoire, abominable... et drolatique, qui nous est racontée dans Le Parfum, un roman très vite devenu un best-seller mondial, porté à l'écran en 2006.

Mon avis: 5/5 💣

Récit initiatique, parcours d'un fou

Nous suivons dans le roman la vie de Jean-Baptiste Grenouille de sa naissance sous un étal à poissons jusqu'à sa mort, assistant ainsi à son évolution personnelle et à sa découverte du monde.
Le début et la fin de vie de Grenouille se répondent, son destin est en quelque sorte annoncé, sur son existence plane une véritable malédiction.
Les passages introspectifs sont géniaux, nous plongeons dans la tête de Grenouille, découvrons sa façon de penser et de ressentir, l'auteur parvient à nous faire entrer dans la peau de son personnage.
Lors de son périple vers le sud de la France, dans le but de poursuivre son apprentissage de parfumeur à Grasse, il se met en retrait du monde et, loin des hommes et de leurs odeurs envahissantes, il se sent merveilleusement bien.
A la façon des moines bouddhistes, il choisit la solitude et l'ascétisme le plus extrême, les seuls capables de lui procurer la sérénité. Cet isolement lui permet de se recentrer sur lui-même, de se dévoiler.
J'ai adoré ce passage du roman où, seul face à lui même et à la nature, il finit par comprendre qui il est et pourquoi il a toujours été rejeté par les hommes.
Patrick Süskind nous démontre alors toute l'ampleur de son talent. La psychologie de son personnage est captivante, nous sommes face à un homme qui n'en est pas vraiment un car il ne ressent aucune sympathie pour autre chose que pour les odeurs.

Tueur en série et génie

Le don de Jean-Baptiste Grenouille, son odorat surnaturel, est merveilleux et abominable à la fois.
C'est, à mon avis, cette capacité innée qui sera la cause de sa folie.
En effet, sa vision du monde est totalement différente, il sent tout; les êtres humains, la matière, les éléments, n'ont d'autre identité pour lui, qu'olfactive. Il ne vit, ne ressent, ne voit qu'à travers les odeurs. Finit par émerger alors une obsession incroyable, celle de créer le meilleur parfum du monde quoi qu'il en coûte. Ce parfum ne peut malheureusement provenir que de jeunes femmes.
Il en tuera une puis vingt. Les meurtres sont peu sanglants et ne représentent qu'une petite place dans l'intrigue. Pour autant, le motif de ces crimes les rend très macabres.
Ce don inhumain efface tout sentiment, d'ailleurs Grenouille, à travers ses origines et son enfance, n'a pas connu l'amour et la tendresse, il n'a fait face qu'à la haine et au dégoût.
Il finira par comprendre que les hommes l'ont rejeté à cause de sa différence; Grenouille n'a pas d'odeur.
L'absence d'odeur corporelle, bien que non identifiée, rend la présence de Grenouille insupportable à ses semblables.
Exclu dès sa naissance et mal aimé, avec une vision très instinctive et animale de son environnement, Jean-Baptiste Grenouille est devenu un monstre de sang froid, incapable d'éprouver le moindre sentiment humain.
Après quelques découvertes palpitantes (pauvres jeunes filles en fleurs), Grenouille se rend compte que le meilleur parfum du monde est celui capable de provoquer un sentiment d'amour chez l'homme et il cherchera à créer cette flagrance unique qui le rendra tout-puissant.
Malheureusement, sa quête du parfum parfait va tourner au cauchemar pour cet être associable qui  préfère être haï qu'aimé.


La parfumerie et les odeurs

La magie du livre est de contenir à la fois des descriptions atroces et répugnantes et des moments de pur poésie.
J'ai particulièrement apprécié découvrir l'univers de la parfumerie à travers cette oeuvre. L'industrie du parfum, les moeurs de l'époque en la matière, la variété des matières premières utilisées, les différentes techniques de fabrication, toute cette partie du roman est très instructive et passionnante.
J'ai adoré suivre l'apprentissage de Grenouille chez Baldini, ce parfumeur parisien vivant en surplomb de la Seine.
Ce qui fait cependant la renommée de ce livre, ce sont les descriptions olfactives saisissantes. Tout au long du récit, les odeurs assaillent le lecteur, Patrick Süskind a l'art de décrire avec beaucoup d'efficacité et de poésie toute la richesse de ce monde méconnu des odeurs.
A la lecture de cet ouvrage, j'ai pris totalement conscience de cette richesse et je n'ai plus vu mon environnement de la même façon, j'avais envie de tout sentir autour de moi, de me reconnecter avec ce sens.
L'auteur nous fait aussi réaliser à quel point les odeurs ont un impact sur nous, sur notre tempérament, nos humeurs, nos envies.
Ce livre fait vraiment réfléchir et nous offre une nouvelle façon de voir le monde.

Le XVIIIe siècle

Enfin, l'auteur, certainement grâce à ses études d'histoire, nous transporte avec brio au XVIIIe siècle, à Paris puis en Province.
Nous découvrons une France emplie de violence, de crasse et d'inégalités. Les descriptions sont très réussies, poussées mais sans trop alourdir la lecture.
L'aristocratie est pas mal évoquée dans le roman, on en apprend beaucoup sur les usages de cette période notamment en matière d'économie.
Je suis très friande de romans historiques, d'autant plus quand ceux-ci ne sont pas écrits dans un langage pompeux et ne tirent pas trop en longueur. Ce fut le cas avec ce roman.

***

Cette lecture m'a enchanté, j'y ai trouvé tout ce qui caractérise un bon roman à mon sens: un personnage principal atypique et charismatique, une intrigue dynamique, des descriptions pleines de poésie et une fin spectaculaire qui m'a complètement sciée.
Un chef d'oeuvre!
Livre disponible ici.


Le parfum de Patrick Süskind

💬

"Elle n'avait qu'une envie, c'était que cette douleur cessât, elle voulait s'acquitter le plus vite possible de ce répugnant enfantement. C'était son cinquième. Tous les autres avaient eu lieu derrière cet étal et, à tous les coups, ç'avait été un enfant mort-né ou à peu près, car cette chair sanguinolente qui sortait là ne se distinguait guère des déchets de poisson qui gisaient sur le sol, et ne vivaient d'ailleurs guère davantage, et le soir venu, tout cela était balayé pêle-mêle et partait dans des carrioles vers le cimetière ou vers le fleuve."
...
"Et soudain il sut que ce ne serait jamais dans l'amour qu'il trouverait sa satisfaction, mais dans la haine, celle qu'il portait aux autres et celle qu'ils lui porteraient."
...
"Ce parfum unique était le principe supérieur sur le modèle duquel devaient s'ordonner tous les autres. Il était la beauté pure."
...
"Maintenant il sentait qu'elle était un être humain, il sentait la sueur de ses aisselles, le gras de ses cheveux, l'odeur de poisson de son sexe, et il les sentait avec délectation. Sa sueur fleurait aussi frais que le vent de mer, le sébum de sa chevelure aussi sucré que l'huile de noix, son sexe comme un bouquet de lis d'eau, sa peau comme les fleurs de l'abricotier... et l'alliance de toutes ces composantes donnait un parfum tellement riche, tellement équilibré, tellement enchanteur, que tout ce que Grenouille avait jusque-là senti en fait de parfums, toutes les constructions olfactives qu'il avait échafaudées par jeu en lui-même, tout cela se trouvait ravalé d'un coup à la pure insignifiance."
...
"Jusque-là, il avait toujours cru que c'était le monde en général qui le contraignait à se recroqueviller. Mais ce n'était pas le monde, c'étaient les hommes. Avec le monde, apparemment, le monde déserté par les hommes, on pouvait vivre."

***

Vous avez lu ce livre? Qu'en avez-vous pensé? 


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