18/04/2017

Trois femmes puissantes de Marie NDiaye


"Trois récits, trois femmes qui disent non"


Biographie de l'auteure

Nationalité : française
Né(e) à : Pithiviers, le 04/06/1967

Marie NDiaye, née d'un père d'origine sénégalaise et d'une mère française, est une femme de lettres. 
Elle est la sœur de Pap NDiaye, historien et maître de conférences à l'École des hautes études en sciences sociales, et l'épouse de l'écrivain Jean-Yves Cendrey, avec lequel elle a écrit un ensemble de trois pièces de théâtre intitulé "Puzzle" en 2007.
Ayant commencé à écrire vers l'âge de 12-13 ans, elle n'a que 18 ans lors de la publication de son premier ouvrage.
Elle a obtenu une bourse qui lui a permis d'étudier pendant un an à la Villa Médicis à Rome.

Marie NDiaye a reçu le Prix Femina en 2001 avec son roman "Rosie Carpe".
Sa pièce de théâtre "Papa doit manger" (2003) figure au répertoire de la Comédie-Française.
En 2009, elle participe à l'écriture du scénario du film de Claire Denis, "White Material".
Elle reçoit le prix Goncourt en 2009 pour "Trois femmes puissantes", roman initialement tiré à 15 000 exemplaires mais qui suite à dix réimpressions a été tiré à 440 000 exemplaires.

Son dernier roman "La cheffe, roman d"une cuisinière" paraît en 2016. Source: Babelio


Contexte de l'oeuvre

Epoque: contemporaine
Lieu: Le Sénégal, la France
Thèmes: Relations filiales, Maternité, Exil, Solitude 

Résumé

Ce roman est composé de trois récits. Trois histoires de femmes.

Norah, tout d'abord, qui n'a jamais connu d'amour paternel, son père étant un être incapable d'aimer, égoïste et méchant. Il a kidnappé le frère de Norah alors qu'ils n'étaient qu'enfants, brisant leur mère et cette famille fragile. Malgré cela, il ose, des années plus tard, lui demander de l'aide, utiliser son expertise d'avocate pour faire sortir son frère de prison où il se retrouve par sa faute.
Les retrouvailles bouleversent Norah qui ne sait plus qui elle est, se met à douter de son couple et de sa qualité de mère. Cet homme horrible qu'est son père ne l'émeut presque plus, elle est sous le choc de découvrir à quel point, par son égocentrisme, il a détruit la vie de tous ces proches.

Fanta, quant à elle, voit son destin bouleversé par son mari Rudy qu'elle a suivi en France pensant pouvoir y exercer son métier d'enseignante. Mais celui-ci lui a caché bien des choses, dont les raisons de leur exil forcé. Rudy ne pourra plus jamais enseigner, il occupe des petits emplois, des métiers manuels, très loin de sa vocation d'intellectuel. Fanta, déracinée, reste à la maison à s'occuper de leur fils, une existence bien monotone qui la fait sombrer dans le désenchantement. Rudy ne la reconnaît plus, elle, autrefois si expressive, si vivante, est aujourd'hui éteinte et il en porte l'entière responsabilité.

Enfin, il y a Khady Demba, qui connaît le destin le plus tragique. Après la mort de son mari, qui était adorable, elle se retrouve dans sa belle-famille qui l'est nettement moins. Sans avoir réussi à concevoir de descendance, sans posséder quoi que ce soit, elle est aujourd'hui un fardeau pour sa belle-famille et cette dernière souhaite se débarrasser d'elle. Ils trouvent enfin une "solution" en lui donnant de l'argent et en la chassant.
C'est seule qu'elle entame son exil avant de rencontrer un jeune homme qui la prend sous son aile. Il prend les choses complètement en mains, la protège. Ils se lient d'amitié, couchent ensemble un soir. Sauf que, dépouillés au passage d'une frontière, Khady Demba se retrouve contrainte à la prostitution pour leur survie. Elle connaît alors l'horreur, un quotidien froid, qu'elle garde à distance pour ne pas perdre la tête, elle se rattache à qui elle se souvient être.
Une nuit, son compagnon de voyage s'en est allé, en douce, emportant avec lui toutes les économies durement acquises de Khadi Demba et la laissant dans toute sa précarité, sa détresse de femme abandonnée, salie, usée par une existence qui ne lui a rien épargné.


Personnages


Norah, Fanta et Khadi Demba: trois femmes fières et courageuses qui font face à de lourdes épreuves souvent causées par un homme de leur entourage. Leur destin est tragique mais malgré tout, elles gardent la tête haute.

Père de Norah: personnage antipathique au possible, incapable d'aimer, égoïste et peu bavard. Il a très mal vieilli.

Rudy, le mari de Fanta: homme tourmenté par son passé et l'histoire de son père. Il essaie d'être un bon mari mais est trop égocentrique pour cela. Il culpabilise beaucoup d'avoir imposé l'expatriation à sa femme, d'autant que celle-ci n'y trouve aucun épanouissement.

Lamine, compagnon de route de Khadi: personnage d'abord sympathique qui aide Khadi Demba dans son voyage. Malheureusement, il finit par la trahir de la plus odieuse des façons. Il disparaît un matin avec tout l'argent que Khadi a durement gagné...

Mon avis: 4/5 💓


La solitude de ces femmes est particulièrement émouvante, elles n'ont pas de soutien, doivent faire appel à leur courage pour survivre, en se battant seule pour préserver leur dignité, dans la détresse d'une existence qui leur a échappé. Le courage est aussi dans la résignation, ces femmes survivent, elles sont puissantes.
Le sujet de la maternité m'intéresse beaucoup, moi qui ne souhaite pas avoir d'enfant, elle est ici représentée dans toute sa complexité: difficile voire impossible, obstacle entre un mari et sa femme.

J'ai beaucoup aimé ce roman car il m'a bouleversé. Le personnage de Khady Demba m'a particulièrement impressionnée par sa force quand le personnage de Rudy m'a exaspéré par ses incessants questionnements existentiels.
L'utilisation par l'auteur à travers tout l'ouvrage de l'oiseau comme symbole de liberté, d'échappée, m'a fait penser à l'écriture de Boris Vian dans L'Ecume des Jours, dans cet usage du concret pour représenter l'abstrait, l'intériorité.
J'ai bien apprécié cette écriture à la limite du surréalisme par moment.

Ma seule réserve à l'égard de cet ouvrage serait la façon dont les personnages masculins sont représentés, le fait qu'ils soient systématiquement responsables du malheur m'a semblé un peu facile, j'aurais apprécié qu'ils se retrouvent moins diabolisés, dans un soucis de réalisme car je suis persuadée que si ces personnages sont devenus aussi ignobles ce n'est certainement pas sans raisons. Mais je comprends bien que l'auteure n'a pas voulu s'éparpiller, son sujet était les femmes et elle les a parfaitement représentées, les a parfaitement raconté.

En tout cas, je vous recommande chaleureusement cette lecture profondément féministe et qui aborde aussi les thèmes de l'exil et de l'immigration, sujets importants et particulièrement d'actualité.

Trois femmes puissantes

💬

"Mon fils Sony est meilleur que moi, il surpasse en grandeur d'âme tous les êtres que j'ai connus, cependant je me reconnais en lui et je lui pardonne. Je m'incline devant ce qu'il affirme, je ne dis rien d'autre, rien de différent, et si ses propos venaient à changer j'y acquiescerais de la même façon. C'est mon fils et je l'ai élevé, voilà tout. Ma femme, je ne l'avais pas élevée. Je ne la connais pas et je ne peux pas lui pardonner..."
...
"Elle poussa doucement la porte et l’odeur tiède des cheveux d’enfant fit remonter d’un coup l’amour qui l’avait désertée.
Puis cela reflua et s’en alla, elle se sentit de nouveau distraite, endurcie, inaccessible, comme occupée par quelque chose qui ne voulait laisser la place à rien d’autre, qui avait pris, tranquillement, sans justification, possession d’elle. "
...
"Qui ayant connu une fois la tendresse peu de soi-même y renoncer ?"
...
"Cela n’a ni sens ni intérêt d’avoir pour père un homme avec lequel on ne peut littéralement pas s’entendre et dont l’affection a toujours été improbable."
...
"Elle aurait aimé lui dire maintenant : Tu te rends compte, tu nous parlais comme à des femmes et comme si nous avions un devoir de séduction, alors que nous étions des gamines et que nous étions tes filles."
...
"Il était impuissant à aimer son fils envers et contre tout, et quel qu'il fût, c'est donc qu'il ne l'aimait pas. 
Il lui fallait des raisons suffisamment bonnes - était-ce cela, l'amour paternel ?
Il n'avait jamais entendu dire que cet amour-là dépendait de qualités que l'enfant possédait ou non."
...
"Quant aux rares coups de chance, il avait pris l’habitude de les accueillir avec un tel scepticisme, son visage défiant manifestait si éloquemment qu’il n’était pour rien dans le bref passage du bonheur dans leur maison qu’il ne serait venu à l’idée de personne de lui en savoir gré."


Livre disponible ICI.

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